domingo, 12 de diciembre de 2010

"Les roses" Las rosas (I - X)

Del Álbum familiar. Pstales h. 1930. Bogotá


Rainer Maria Rilke

I
Si ta fraîcheur parfois nous étonne tant,
heureuse rose,
c'est q
u'en toi-même, en dedans, 
pétale contre pétale, tu te reposes.

Ensemble tout évéillé, dont le milieu
dort, pendant qu'innombrables, se touchent
les tendresses de ce cœur silencieux
qui aboutissent à l'extrême bouche.

Si tu frescura a veces nos sorprende tanto,
dichosa rosa,
es que en ti misma, por dentro, 
pétalo contra pétalo, descansas.

Conjunto bien despierto cuyo centro
duerme, mientras se tocan, innumerables,
las ternuras de ese corazón silencioso
que suben hasta la extrema boca.

 II
Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu'on ne lira jamais. Livre-mage,

qui s'ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés…,
dont les papillons sortent confus
d'avoir eu les mêmes idées.

Te veo, rosa, libro entreabierto,
que contiene tantas páginas
de dicha detallada 
que nadie leerá nunca. Libro-mago

que se abre al viento y se puede leer
con los ojos cerrados...,
del que salen mariposas turbadas
por habérsele ocurrido las mismas ideas.

III
Rose, toi, ô chose par excellence complète
qui se contient infiniment
et qui infiniment se répand, ô tête
d'un corps par trop de douceur absent,
rien ne te vaut, ô toi, suprême essence
de ce flotant séjour ;
de cet espace d'amour où à peine l'on avance
ton parfum fait le tour.

Rosa, tú, oh cosa por excelencia completa
que se contiene en sí misma infinitamente
y que infinitamente se expande, oh cabeza
de un cuerpo ausente de tan suave,
nada te iguala, oh tú, suprema esencia
de este flotante ámbito;
de este espacio de amor en el que, apenas se avanza,
tu aroma nos envuelve.

IV
C'est pourtant nous qui t'avons proposé
de remplir ton calice.
Enchantée de cet artifice,
ton abondance l'avait osé.

Tu étais assez riche, pour devenir cent fois toi-même
en une seule fleur ;
c'est l'état de celui qui aime…
Mais tu n'as pas pensé ailleurs.

Nosotros fuimos, empero, quienes te propusimos
llenar tu cáliz.
Encantanda con ese artificio
tu abundancia lo había intentado.

Asaz rica para llegar a ser cien veces tú misma
en una sola flor;
es el estado de quien ama...
Pero nunca pensaste en otra cosa.

V
Abandon entouré d'abandon,
tendresse touchant aux tendresses...
C'est ton intérieur qui sans cesse
se caresse, dirait-on ;

se caresse en soi même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exhaucé.

Abandono rodeado de abandono,
ternura contra ternuras…
Es tu interior el que, sin cesar,
parece que se acaricia;

se acaricia en sí mismo,
por su propio reflejo iluminado.
Así inventas el tema
del Narciso que alcanza su deseo.

VI
Une rose seule, c'est toutes les roses
et celle-ci : l'irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses.

Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences
dans la partance continuelle.

 Una sola rosa es todas las rosas
y es ésta: el irreemplazable,
el perfecto, el dócil vocablo,
que encuadra el texto de las cosas.

Cómo lograr decir sin ella
lo que fueron nuestras esperanzas,
y las tiernas intermitencias
en nuestro incesante partir.

VII
T'appuyant, fraîche, claire
rose, contre mon œil fermé -,
on dirait mille paupières
superposées

contre la mienne chaude.
Mille sommeils contre ma feinte
sous laquelle je rôde
dans l'odorant labyrinthe.
  
Apoyándote, fresca, clara
rosa, contra mi ojo cerrado -,
parecerías mil párpados
superpuestos

contra el mío, ardiente.
Mil sueños contra mi disimulo
bajo el cual voy, errante,
por el perfumado laberinto.

VIII
De ton rêve trop plein,
fleur en dedans nombreuse,
mouillée comme une pleureuse,
tu te penches sur le matin.

Tes douces forces qui dorment
dans un désir incertain,
développent ses tendres formes
entre joues et seins.
  
De tu sueño asaz repleto,
flor por dentro numerosa,
mojada como una llorona
te inclinas sobre la mañana.

Tus suaves fuerzas que duermen
en incierto deseo,
desenvuelven las tiernas formas
entre mejillas y senos.

 IX
Rose, toute ardente et pourtant claire,
que l'on devrait nommer reliquaire
de Sainte-Rose…, rose qui distribue
cette troublante odeur de sainte nue.

Rose plus jamais tentée, déconcertante
de son interne paix ; ultime amante,
si loin d'Ève, de sa première alerte -,
rose qui infiniment possède la perte.

Rosa, por entero ardiente y sin embargo clara,
que tendríamos que llamar relicario
de Santa Rosa..., rosa que difunde
su aroma turbador de santa desnuda.

Rosa ya nunca más tentada, desconcertante
por su paz interior; amante última,
tan lejos de Eva, de su primera alarma -,
rosa que infinitamente posee la pérdida.

X
Amie des heures où aucun être ne reste,
où tout se refuse au cœur amer ;
consolatrice dont la présence atteste
tant de caresses qui flottent dans l'air.

Si l'on renonce à vivre, si l'on renie
ce qui était et ce qui peut arriver,
pense-t-on jamais assez à l'insistante amie
qui à côté de nous fait son œuvre de fée.

 Amiga de las horas en las que nadie queda,
en que todo se niega al corazón amargo;
consoladora cuya presencia atestigua
tantas caricias que flotan en el aire.

Si renunciamos a vivir, si renegamos
de lo que era y de lo por venir,
¿pensamos, acaso, lo bastante en la insistente amiga
que a nuestro lado cumple con su labor de hada?

Traducción: Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
eldiágoras.


Rainer Maria Rilke (Rainer Maria von Rilke)  (1875  Praga - 1926  Val-Mont,Suiza) es considerado uno de los poetas más importantes en lengua alemana y de la literatura universal.  
 



1 comentario:

  1. Muy hermosos poemas que desconocía (esto no es raro). Gracias por transmitirlos.

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